Avant de porter un regard sévère sur les jeunes, il est très éclairant de lire notre cahier spécial entièrement produit par les "jeunes" du Droit ainsi que le sondage Segma sur les valeurs et les visions de la société des 18-30 ans, ceux que l'on appelle la génération Y. Ce cahier est une bouffée d'air frais qui ne s'écarte pas des grandes tendances observées dans notre société en général. En fait, les jeunes qui entrent présentement sur le marché du travail, qui fondent un foyer ou qui commencent à faire leur place dans la société ne sont pas vraiment en porte-à-faux du monde dont ils seront les leaders de demain. Ils en sont à la fois le produit et l'émergence.
Au-delà des lieux communs et des stéréotypes, le portrait qui se dégage de la "jeunesse d'aujourd'hui" ne montre ni un monolithe immuable, ni une cassure nette d'avec les générations précédentes. Ils en sont l'évolution. Il ne faut pas sombrer dans la nostalgie et perpétuer de vieux mythes à propos des générations précédentes. Elles n'étaient ni meilleures, ni pires. Elles étaient différentes. Les "moi, dans mon temps" ne sont que des réflexes surannés de générations qui ont des droits acquis à défendre, des erreurs à justifier et des insécurités à assumer.
Le sondage Segma décrit des jeunes à l'esprit un peu moins révolutionnaire que ne l'ont été d'autres générations qui les ont précédés. Sont-ils vraiment plus conservateurs, plus individualistes, moins religieux, plus tournés sur eux-mêmes que ne l'ont été leurs aînés ? Cela n'a aucune véritable importance dans la mesure où ils seront les architectes d'une société qui leur a donné le cocooning, l'individualisme, les SUV, la télé-réalité et les a initiés au culte de l'éphémère dans tout ce qu'ils ont, dans tout ce qu'ils sont et dans toutes leurs relations.
Ce ne sont pas eux qui ont vidé les églises, qui ont fait exploser la dette, qui ont inventé les unions libres, qui ont mis à sac notre système de santé, qui ont provoqué le réchauffement climatique et qui ont réformé l'éducation. C'est cependant vers eux qu'il faudra se tourner pour réparer les pots cassés.
Des valeurs qui les motivent, la famille et la forme physique l'emportent haut la main. Il est aussi fort intéressant de noter qu'ils mettent beaucoup d'accent sur la fidélité au moment où on pourrait croire à une grande libéralisation des moeurs. On les dit beaucoup plus indépendants que la génération précédente. Ils sont ouverts sur le monde, ils veulent le découvrir, ils veulent en partager les aspirations et ils ont grandi avec Internet où ils s'informent de façon importante mais loin derrière la télé. Ils arrivent sur le marché du travail au moment où de graves pénuries de main-d'oeuvre se feront sentir et où ils pourront dicter leurs conditions.
Il est important de noter que ce sont eux qui seront aux commandes de la société et qui opéreront les leviers du pouvoir quand les baby-boomers arriveront au crépuscule de leur vie. Ce sont donc leurs valeurs qui les guideront quand ils devront prendre certaines décisions déchirantes pour les générations précédentes.
Leur désintéressement de la politique n'est pas tant une tendance lourde de leur génération que de la société tout entière. Ils cherchent chez les politiciens l'intégrité et la vision avant la gestion et la communication. Pour eux, le politicien idéal est relativement jeune. Encore faut-il qu'il puisse se faire élire, qu'il en ait les moyens et qu'il en ait le courage.
Dans le cadre de la présente élection fédérale, il est difficile de caser cette génération Y dans l'un ou l'autre parti. En lisant notre cahier spécial de samedi et en consultant le sondage Segma, il faut se rendre à l'évidence que les 18-30 sont inclassables dans un seul parti, comme le sont leurs aînés. Leur parti pris pour l'environnement devrait attiser leurs sympathies pour le Tournant vert de Stéphane Dion mais, comme pour le reste de l'électorat, ils ont probablement la même difficulté à la "comprendre", ce en quoi ils ne sont pas différents des autres électeurs. Élizabeth May, Stephen Harper, Gilles Duceppe ou Jack Layton sont-ils alors un terreau fertile pour la génération Y ? Il semble bien que sur la base de ce que révèle le cahier spécial de samedi, les 18-30 sont inclassables dans un parti ou dans un autre. Un jour ils feront une différence, mais pas le 14 octobre prochain.
pbergeron@ledroit.com
mardi 23 septembre 2008
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire