vendredi 28 novembre 2008

Le transfert intergénérationnel des savoirs à l'ère d'Internet - CEFRIO

Bilan du projet -

Présentement, les organisations font face au départ massif de leurs employés et gestionnaires les plus expérimentés et, avec le départ à la retraite des baby boomers, conjugué à une pénurie de main d’œuvre, nul doute que cette réalité perdurera encore plusieurs années. Dans un tel contexte et dans une économie de plus en plus axée sur le « savoir », prendre le virage de la gestion des connaissances s’avère de plus en plus un enjeu stratégique. Le défi est d’autant plus grand que l’évolution de plus en plus rapide de la technologie impose aux organisations la nécessité d’une gestion différente du savoir et de l’apprentissage humain. Depuis maintenant un peu plus d’une dizaine d’années, le CEFRIO s’intéresse aux différentes problématiques liées à la gestion du savoir et, dans le but d’aider les organisations à relever un tel défi, il a mis en place en 2004 un projet de recherche action portant sur le transfert intergénérationnel des savoirs à l’ère d’Internet.

Ce projet de recherche action a été réalisé avec quatre partenaires, soit, Hydro-Québec, la Régie des rentes du Québec, la Régie du bâtiment du Québec et TELUS ainsi qu’avec une équipe de chercheurs universitaires associés au CEFRIO. Globalement, les principaux objectifs du projet étaient d’aider les organisations à trouver les meilleures façons de faire pour identifier les connaissances critiques et stratégiques, à expérimenter des moyens novateurs de transfert des connaissances et à mettre en place des stratégies leur permettant de conserver, transférer, renouveler et enrichir leur savoir collectif afin d’améliorer leur performance globale. Dans chaque organisation, on a privilégié l’utilisation de projets pilotes comme outil d’apprentissage avec comme objectif un plus large déploiement dans l’organisation par la suite.

Avant même de s’engager dans une stratégie de gestion des connaissances, il importe de s’y préparer adéquatement pour être en mesure de faire les choix les plus pertinents au niveau des avenues à prendre et des actions à privilégier et ainsi s’assurer de rentabiliser la démarche. L’approche utilisée s’est donc déclinée en deux grandes phases. La première phase constitue une étape en amont et s’inscrit plus spécifiquement dans la valorisation des connaissances de l’organisation en vue d’identifier le patrimoine de connaissances et tout particulièrement les domaines de connaissances sur lesquels il faudra faire porter en priorité les démarches de gestion des connaissances. À la deuxième phase, il s’agit d’identifier et d’expérimenter les moyens de transfert des connaissances les plus appropriés compte tenu du contexte et des besoins de l’entreprise et d’élaborer un plan d’action visant à mettre en œuvre une stratégie de gestion des connaissances.

La phase de préparation en amont a été réalisée principalement en trois étapes qui ne furent pas nécessairement effectuées auprès de tous les partenaires, tenant compte de leur niveau d’avancement préalable en gestion des connaissances. Notons que les travaux réalisés lors de la phase de préparation se sont appuyés principalement sur les travaux du chercheur Jean Louis Ermine et de son équipe de l’Institut national des télécommunications en France (INT) ainsi que sur les travaux du Club de gestion des connaissances.

La première étape a consisté en une étude de faisabilité visant à déterminer la direction, le groupe ou la division où devrait être réalisé le projet pilote et à identifier les ressources nécessaires pour réaliser la recherche action. L’étude de faisabilité, réalisée par des chercheurs universitaires associés au CEFRIO, en identifiant les besoins, les objectifs et les façons de faire propres à l’organisation, a démontré qu’il existait bel et bien des risques de perte d’expertise et de savoirs critiques. Ce faisant, elle est venue confirmer la nécessité de s’engager dans une démarche de gestion des connaissances afin de s’assurer que les individus détenant les connaissances critiques ne quittent pas l’organisation sans avoir transmis leurs savoirs stratégiques nécessaires à son développement actuel et futur. De plus, la réalisation de l’étude de faisabilité - en suscitant parmi les organisations partenaires de l’intérêt pour le projet du CEFRIO - a permis de sensibiliser davantage les gestionnaires et les détenteurs de connaissances à la nécessité de prendre le virage de la gestion des connaissances. Ce fut ainsi l’amorce de l’obtention du soutien et de l’appui des gestionnaires et de la mobilisation des troupes envers le projet, deux conditions qui s’avèrent essentielles au succès d’une telle démarche.

À la deuxième étape, il s’agissait d’identifier les savoirs stratégiques à l’intérieur de l’organisation. Celle-ci a été effectuée en procédant, dans un premier temps, à une cartographie des connaissances de l’organisation et, dans un deuxième temps, à l’évaluation de l’importance stratégique de ces connaissances. La cartographie des connaissances est un moyen d’identifier et de représenter les ressources d’un patrimoine de connaissances dans une organisation ; c’est en fait faire l’inventaire des connaissances qu’elle possède. Quant à l’évaluation de l’importance stratégique de ces connaissances, cette étape a été réalisée par le biais d’une étude de criticité des connaissances répertoriées. Une étude de criticité permet de situer les forces et les faiblesses du patrimoine de connaissances et permet d’apprécier leur vulnérabilité par rapport aux orientations stratégiques de l’organisation. Ultimement, cette analyse a permis d’identifier les domaines de connaissances sur lesquels des efforts doivent être faits en matière de capitalisation, de partage et de renouvellement des savoirs stratégiques.

Enfin, la dernière étape de la première phase avait pour but de s’assurer de l’adéquation de la démarche de gestion des connaissances construite à partir de la cartographie des connaissances critiques avec la démarche stratégique de l’entreprise. Pour ce faire, l’approche de l’alignement stratégique, développée par le chercheur Jean Louis Ermine, a été utilisée. L’approche permet de confronter les connaissances critiques aux orientations stratégiques de l’organisation afin de rendre compte de l’écart entre son patrimoine de connaissances et ce dont elle aura besoin dans l’avenir. L’organisation est alors en mesure de déterminer, dans sa stratégie, les connaissances à maintenir, à développer ou à abandonner.

La première phase du projet a aidé les partenaires à identifier des savoirs critiques pour ensuite explorer, dans une deuxième phase, des modes de transfert des connaissances. Dans le cadre de ce projet, les partenaires en collaboration avec diverses équipes de recherche, ont notamment expérimenté la co-modélisation des connaissances (Josianne Basque, TÉLUQ), le livre de connaissances (Jean Louis Ermine, INT), l’annuaire d’expert, l’analyse des réseaux sociaux et la base de connaissances (Kimiz Dalkir, McGill) et le développement des compétences (MESS et Anne Bourhis, HEC Montréal).

À la suite de la réalisation de ce projet de recherche action, des initiatives sont présentement mises de l’avant afin qu’un plus grand nombre d’organisations québécoises puissent en tirer profit. À l’Université McGill, la chercheuse Kimiz Dalkir et son équipe travaillent notamment au développement d’une grille d’aide à la décision qui permettra aux organisations de choisir les modes de transfert de connaissances les plus appropriés dans leur contexte. Ces travaux devraient être rendus publics au printemps par le biais du site Internet du CEFRIO.

Le projet tire donc à sa fin et on constate que les expérimentations réalisées à ce jour ont non seulement permis aux partenaires de tester de nouvelles méthodes pour capter leur savoir respectif, mais aussi de transmettre efficacement ce savoir. Désormais, ces organisations tirent avantage d’une gestion plus stratégique de leur patrimoine de connaissances et nul doute qu’elles sont mieux armées pour éviter - ou à tout le moins limiter - les problèmes liés à la perte de connaissances et ainsi s’assurer que les individus détenant les connaissances critiques ne quittent pas sans avoir transmis leurs savoirs stratégiques nécessaires à la poursuite des activités de l’organisation.

Enfin, on ne peut passer sous silence que, le 18 novembre dernier, l’Institut d’administration publique du Québec remettait ses prix lors du Gala annuel des Prix d’excellence de l’administration publique du Québec et que l’un des partenaires du projet, la Régie du bâtiment du Québec, s’est vue décerner une mention spéciale du jury dans la catégorie Fonction publique pour son projet de cartographie des connaissances développé pour assurer le transfert intergénérationnel des connaissances des employés.
Date de publication
28 novembre 2008
Auteur(s)

Lucie Vachon, chargée de projet, CEFRIO

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