lundi 1 décembre 2008

Les jeunes, les technologies et le travail : changer sa souris d'épaule

Jean-François Ferland -04/11/2008

Au lieu de craindre l'insertion des jeunes technophiles en milieu du travail, les organisations devraient en faire des catalyseurs de changement dans le recours aux nouvelles technologies. Constats de deux observateurs intéressés.

Voici un deuxième article portant sur l'intégration des jeunes utilisateurs de technologies au sein des organisations. Nous vous invitons à lire l'article d'André Ouellet Intégration au travail des nouvelles générations: au-delà de la nécessité, un atout, paru la semaine dernière.


Les jeunes qui font partie de la génération Y ont-ils le dos large? Certains les disent « pointilleux », « impatients » et « difficiles » lorsqu'il est question de l'utilisation des technologies de l'information et des communications (TIC) chez leurs employeurs, plus particulièrement celles qui sont liées à l'interaction en ligne. Les employeurs, qui sont aux prises avec une pénurie de main-d'oeuvre, sont confrontés à un défi organisationnel d'importance. Caprice de jeunesse ou choc des générations?

Catherine Lamy est directrice de projet à l'organisme Cefrio à Québec. Elle oeuvre au projet Génération C : les 12-24 ans en tant qu'agents de transformation des organisations québécoises, qui étudiera au cours de la prochaine année comment les attitudes et les comportements des jeunes de la génération Y, mais aussi de la génération C qui les précède, face aux technologies se transposent dans leur vie d'étudiant, de travailleur, de citoyen et de consommateur.

« On dit beaucoup de choses [des jeunes, de l'utilisation des TIC et de leur attitude au travail], mais il y a beaucoup de mythes et de préjugés, considère Mme Lamy. Il faut aller plus loin et essayer de les comprendre. De toute façon, les organisations devront se transformer et s'adapter, parce que c'est la main-d'oeuvre de l'avenir. Il faut arrêter de les voir comme étant un problème, mais comme un catalyseur et un levier de transformation. »

La conseillère et conférencière Michelle Blanc s'intéresse aux technologies Web et à leur adoption par les diverses générations. Elle indique que la conception de la vie de la génération Y, née avec l'Internet, diffère de celle des générations précédentes. Qui plus est, son poids démographique est plus important que celui des fameux baby-boomers.

« Il faudra faire avec ce qu'ils pensent de la réalité, ce qui est bien différent de leurs prédécesseurs, observe Mme Blanc. Pour eux, le travail, la collaboration et le divertissement sont équivalents et devraient coexister tout le temps. Le travail emm...? On change de travail. On ne peut collaborer? On change de travail. [...] Le courriel est pour les vieux, alors qu'ils sont habitués à la messagerie instantanée, aux blogues, aux wikis et à Facebook. S'ils ont quelque chose à dire, c'est maintenant, car dans une demi-heure ce ne sera plus pertinent. Cela change beaucoup de choses dans l'entreprise. »

Changement philosophique

En matière de changement, Mme Lamy estime que les premières actions d'adaptation du travail au contexte des jeunes des organisations se situent au niveau de la présence au travail, puisqu'ils ont déjà des technologies permettant le travail à distance, du nombre d'heures travaillées - des entreprises américaines évaluent dorénavant les employés en fonction des résultats - et de la formule de travail ‘de 9 à 5', alors que les jeunes veulent parfois travailler le soir et même la nuit.

« Il faut un changement de la culture de gestion, affirme-t-elle. Ce n'est plus une question de contrôle. Les gestionnaires doivent apprendre à composer avec cela. De toute façon, on peut être 40 heures assis à un bureau et perdre son temps. Cela a toujours existé, même avant les technologies. »

Michelle Blanc croit que l'enjeu de l'adaptation des organisations à la nouvelle génération « technophile » est avant tout de nature philosophique. Elle croit que donner un bon salaire à un nouvel employé et de lui bloquer les accès aux technologies constitue un paradoxe.

« Auparavant, on assistait à une autorité dogmatique et une communication unidirectionnelle : le médecin a raison, le professeur sait tout, l'entreprise sait ce que veulent les clients et ce qu'il faut dire aux employés. Aujourd'hui, nous sommes dans une communication multidirectionnelle et égalitaire. L'entreprise est critiquée, le professeur est mis au défi, le [propos du] médecin est [comparé] avec des informations trouvées sur le Web... Personne n'a la vérité et tout le monde a une portion de la vérité. Et les jeunes sont habitués à naviguer là-dedans et à se faire leur propre idée. L'époque où le patron parle et que tout le monde doit écouter tire à sa fin », estime-t-elle.


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