mardi 11 décembre 2007

Plus ça change, plus c'est pareil

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La génération Y... au temps d’Aristote !

Tout le monde en parle. C’est LE sujet de l’heure en ressources humaines. Les moins de 30 ans seraient moins loyaux envers leur employeur que leurs aînés. Ils auraient en plus le culot d’exiger à la fois autonomie et responsabilités. Il est temps de départager les mythes de la réalité.

"Nos jeunes aiment le luxe, ont de mauvaises manières, se moquent de l’autorité et n’ont aucun respect pour l’âge."

Ces jours-ci, les propos de certains consultants, conférenciers et chroniqueurs bien en vue au Québec ressemblent étrangement à cette citation du philosophe grec Aristote... mort en l’an 322 avant Jésus-Christ.

Tania Saba, professeur à l’École des relations industrielles de l’Université de Montréal, a enquêté dans un passé plus récent (entre 2003 et 2005) sur les attentes face au travail de plus d’un millier de salariés et cadres québécois des secteurs privé, public et du commerce de détail.

"Les attentes de tous les groupes d’âge présentent beaucoup de similitudes", résume-t-elle.

Ainsi, tous les salariés et cadres, peu importe leur âge et leur secteur d’activité, aspirent à des degrés similaires à l’autonomie et aux responsabilités.

Son étude déboulonne également le mythe du jeune qui rêve de butiner d’employeur en employeur.

"Tous souhaitent fortement la stabilité d’emploi, à l’exception des travailleurs manuels de moins de 30 ans. Ces jeunes ont le sentiment d’être dans des emplois tremplin", analyse-t-elle.

Mme Taba a malgré tout identifié certaines attentes plus fortes chez les moins de 30 ans.

C’est de cas de l’avancement de carrière chez les cadres et les fonctionnaires Y. "C’est le reflet d’une aspiration normale en début de parcours professionnel beaucoup plus que d’une valeur nouvelle d’une nouvelle génération", commente-t-elle.

Les moins de 30 ans de tous les secteurs ont également des attentes plus élevées face au développement de l’employabilité. C’est aussi le cas chez les fonctionnaires de 30 à 44 ans et des travailleurs manuels de plus de 45 ans.

Mme Saba y voit un indice des modifications profondes du marché du travail, beaucoup plus qu’un attribut générationnel.

"Il y a 20 ans, la contrepartie du travail était la stabilité. Aujourd’hui, la majorité des entreprises ne l’offrent plus. Il est normal que les travailleurs recherchent une nouvelle contrepartie et c’est le développement de leur employabilité", dit-elle.

Les résultats de cette étude contredisent donc largement les discours dominants sur la Génération Y.

Son auteure voit malgré tout des effets bénéfiques à la mode actuelle. "Tant mieux si le souci de répondre aux attentes de la Génération Y permet d’établir de meilleures pratiques de ressources humaines pour tous", dit-elle.

Rien de nouveau...

Les doléances face aux nouvelles générations ne datent pas d’hier, comme le démontre la citation d’Aristote qu’on peut lire sur le site Internet de la Chaire de gestion des compétences de l’UQAM.

"Depuis un an, la démographie et les générations sont abordés dans toutes les conférences et congrès. Depuis le mois d’août, 400 000 pages sur ces sujets se sont ajoutées sur le WEB. Malheureusement, on y trouve souvent un traitement très anecdotique de la situation", dit Michel Audet, professeur au département des relations industrielles de l’Université de Montréal.

Dans ses conférences, M. Audet s’en prend particulièrement aux mythes des jeunes mercenaires et de l’attribution à la Génération Y de valeurs qui sont simplement celles des jeunes.

Selon M. Audet, la relation étroite avec la technologie des moins de 30 ans est l’une des rares caractéristiques propres qui tient la route. Leur soif d’avoir tout, tout de suite y serait d’ailleurs liée.

Pour le reste, Michel Audet invite à la rigueur et à l’objectivité. "Il y a un réel danger de fonder des politiques de ressources humaines sur des anecdotes et des mythes", dit-il.

Sylvie Guerrero co-titulaire de cette chaire et professeur en gestion des ressources humaines à l’UQAM s’inquiète également des clichés en vogue ainsi que du développement d’un lucratif marché de la consultation basé sur les supposés conflits intergénérationnels. "Les gens qui misent sur ces thèmes bénéficient d’un effet de mode. Plusieurs prennent pour acquis que les jeunes sont différents et proposent des outils pour y faire face. Cela peut conduire les organisations à chercher des solutions là où il n’y a pas de problème", dit-elle.

Mme Guerrero rappelle que toutes les études sérieuses menées sur les attentes face au travail, notamment celle de Mme Saba, ont mis en lumière de grandes similitudes entre les groupes d’âge.

"Le désir de respect et de reconnaissance, la volonté d’avoir du temps pour soi, de pouvoir concilier travail et vie personnelle sont des attentes de l’ensemble des travailleurs", dit-elle.

Selon Mme Guerrero, les discours alarmistes sur la pénurie de main-d’oeuvre à venir sont en toile de fond de la mode autour de la génération Y.

Source : cyberpresse Jacinthe Tremblay

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